vendredi 15 mai 2015

Un port pour nous tout seuls.

Force 9 arrive, courage fuyons. La Cala Rotonda est magnifique mais pas assez abritée, on part se planquer! Sur un guide de navigation, on avait pu lire qu'il y avait un port plus ou moins abandonné à 45 milles: Balestrate. L'histoire, c'est que la mafia aurait magouillé sur le béton et tout le monde serait en prison. Le port ne serait pas exploité mais l'escale possible. On en a parlé à nos voisins du bateau Shirel et l'idée les tente bien aussi. Du coup nous voilà partis pour une navigation de conserve. C'est la première fois qu'on suit un bateau en navigation. Je dis bien "suit" parce que c'est un bateau de régatiers et qu'on a fait ce qu'on a pu pour suivre. Jamais je ne me suis autant démené pour régler les voiles! Daddy Cool est cool aussi en navigation. Un peu trop cool parfois même. On a pu suivre parce qu'ils ont navigué avec seulement leur génois .

Avant d'arriver dans le golfe de Castellamare, il y a un dernier cap à passer et là ça s'est gâté... Voiles en ciseaux, la terre à quelques centaines de mètres sur tribord, un gros bateau de pêche droit devant. Seule solution, passer derrière les pêcheurs au travail, mais pas trop pour ne pas empanner. L'empannage, c'est la baume qui passe d'un bord à l'autre à cause du vent. Quand c'est involontaire, c'est assez violent, dangereux pour le bateau et pour les équipiers. Et pas manqué, comme souvent près d'un cap, le vent a forci et a tourné, et on a empanné, heureusement sans casse. La situation globale était tendue et on s'y attendait plus ou moins.

Ensuite, cap sur Belastrate. Le vent était fort et on s'est pris des bonnes rafales de travers, notamment une vraiment plus violente. Bateau sous pilote, on n'a pas pu la contrer et le bateau est parti au lof.  Pour ceux qui ne connaissent pas, voir les images du côté de google, ce serait un peu compliqué à expliquer, d'autant que je l'expliquerais sûrement très mal. C'est impressionnant mais sans danger pour le bateau. Et là on est content que Daddy Cool soit cool. Parce qu'il nous a fait ça tranquillement, sans trop de gîte. C'est le propre de ce type de bateau d'être sûr. Pour des vieux loups de mer, c'est presque anecdotique, mais pour nous c'est déjà une bonne sensation.
La dernière ligne droite a été un régal. La bateau un peu sous toilé pour ne pas se faire avoir par les rafales violentes, un vent assez soutenu, on s'est pris des bons coups de gîte et on marchait à 7 ou 8 noeuds. C'est rare sur Daddy Cool. Nos copains sur Shirel, quelques milles devant, nous montraient le chemin et les zones de vent plus fort. On ne peut pas dire que Élodie appréciait la balade autant que Fantine et moi, et on gardait donc une certaine réserve dans nos émotions. Une rafale à quand bien mis le bateau en sur-vitesse et on a mis les pieds de chandeliers dans l'eau. Je voyais juste Élodie se cramponner en fermant les yeux et en poussant des "ohlala". Puis je me retourne vers Fantine: elle me regarde avec un sourire jusqu'aux oreilles et elle me dit "c'est bien!". Il y a des fractions de secondes qui sont des concentrés de bonheur et où beaucoup de choses s'expriment.

Arrivé près du port, on avait quand même une petite appréhension. Qu'allait on trouver...? La VHF sur le canal 77, le canal désigné pour communiquer entre nos 2 bateaux, on écoutait pour voir si Shirel ne nous prévenait pas de faire demi tour parce qu'ils étaient en train de se faire rançonner par la mafia. Bon j'exagère un peu... On est rentré dans la port pour se placer le long du quai près de Shirel. Effectivement, le port n'est pas exploité, juste quelques pêcheurs sont là. Ça fait bizarre de voir un port vide, sans pontons. C'est même inquiétant. La région n'est pas riche et on se fait vite des idées.
Après une baignade dans le port, je suis allé attraper 2 ou 3 provisions en ville (j'ai aussi mangé une glace, évidemment), et on a fait les fonds de placards vides des 2 bateaux pour manger ensemble sur Daddy Cool.
A la fin du repas, un gros bateau de pêche arrive dans notre direction et vient se placer juste à côté. Ça discute. Quand un italien discute, ça se voit. Comme il vaut toujours mieux parler, surtout qu'on s'est installé sans rien demander, je suis allé voir les pêcheurs. En fait, on était sur leur emplacement de quai. Je m'excuse pour la gêne, explique plus ou moins le vent à venir... Mais pour les pêcheurs, aucun soucis, ils nous aident même à bouger les bateaux. Ils sont même venus ensuite nous voir pour discuter. On a ainsi appris qu'ils rentraient d'une pêche de 40 heures sans dormir. Eh bien moi je vais vous dire: je pars en mer, faire un métier très dur, je ne dors pas pendant 40 heures, si quand je rentre au port je trouve 2 bateaux de rigolos des mers à ma place, je ne crois pas que je serais aussi cool. Leçon pour moi. A 23h00, je voyais bien que Élodie aurait bien aimé que Fantine soit au lit, mais c'est bien de lui faire vivre ces moments. Moi aussi d'ailleurs j'aurais été mieux au lit parce que j'étais quand bien fatigué par cette navigation.
Au final, les gens et la ville sont sympa, le port semble sûr. Il n'y a bien sûr pas d'eau et pas d'électricité sur le quai mais c'est gratuit. Rapport qualité prix imbattable . Bonne expérience. On est sans doute là encore 2 ou 3 jours, le temps que la météo se calme.


  On est tout au fond, de l'autre côté du port.

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